jeudi 8 décembre 2011

La philosophie dans une sale affaire médiatique

En lisant le Nouvel Economiste, je suis tombé sur un article saisissant d’intelligence et de perspicacité (envie de m’abonner presque). Intitulé « DSK : ce que je sais de lui » et signé Gaël Tchakaloff, cet article fait honneur au métier de journaliste. Sens critique, mis en perspective de la philosophie d’Albert Camus, acuité du jugement, c’est un article espéré. Espoir de revoir une presse intelligente et lucide, espoir de sentir la finesse et le trait d’esprit, espoir encore de retrouver davantage de sérénité dans une tribulation médiatique indigne. Car il en va de l’affaire DSK, Prométhée enchaîné au poteau de la vindicte populaire et salace, comme des autres affaires récurrentes qui baignent notre quotidien désenchanté : ainsi des frasques de Monsieur Berlusconi, des assassinats quotidiens, des viols dans les cités universitaires dont personne ne parle, de la gabegie financière des syndicats (voir également le très bon papier du Figaro), de l’affaire du Mediator qui n’en finit pas de rebondir jusqu’à la prochaine révélation, de Xavier Bertrand qui ne cesse de colporter des mauvaises nouvelles, etc. Nous n’en pouvons plus, non pas de ces informations dramatiques (i faut bien vivre et c’est la réalité, cruelle, inévitable) mais de la façon dont elles sont traitées : à charge, non pas la charge qui a du panache et qui voyait autrefois des lanciers polonais s’encastrer contre des blindés, mais la charge pauvre, mesquine, voleuse, cynique qui ne fait qu’appauvrir le métier de journaliste. Des heures entières de faux direct pour ne rien dire (ITélé au moment de l’arrestation de DSK), des boucs-émissaires pratiques (Outreau), des grands méchants capitaines d’industrie (Goshn, Servier)… Je cite : « Les amalgames nuisent à la vérité, mais il semble que les médias n’en aient cure. Du Sofitel au Carlton, en passant par l’affaire Tristane Banon, la liste des agrégats hasardeux est longue. » La liste des agrégats est longue : que c’est bien dit ! Par facilité, par manque de temps (cela je l’entends tous les jours), pour préserver des annonceurs qui aiment beaucoup les patrons de presse, pour préserver des élus locaux qui aiment beaucoup les patrons de presse, pour préserver les chapelles et les lobbys qui aiment moins les patrons de presse (quoique) mais qui aiment beaucoup les annonceurs, mes camarades journalistes se sont lentement vautrés dans le misérabilisme, le voyeurisme et le raisonnement à deux sous. Manque de faits probants pour étayer un papier, manque de lucidité, manque d’humilité, (il faut en entendre certain qui se drape dans la loi sur la liberté de la presse comme mon neveu dans sa toute nouvelle combinaison de ski), manque de tout. Mais nous y reviendrons bientôt. Je ne sais plus qui disait que le métier de journaliste aurait disparu dans trente ans. J’ai peur.

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