lundi 9 décembre 2013

« Commentez, il en restera toujours quelque chose ! » L’alternative au journalisme traditionnel se trouve dans les commentaires.




Depuis l’ouverture d’espaces de discussions dans les médias en ligne, le pire côtoie le meilleur. Propos racistes, injurieux, homophobes, sexistes, vulgaires, noyés parmi des contributions intelligentes, des prises de position éminemment respectables, pertinentes. C’est ce que révèle une étude passionnante de l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d’information (WAN IFRA). Plus d’une centaine d’éditeurs de journaux dans 60 pays sur les 5 continents ont été interrogés sur les pratiques du Web participatif.
Plusieurs observations sont à retenir de cette étude innovante. Tout d’abord les éditeurs de médias s’accordent pour, d’une seule voix, déplorer qu’il convient de modérer les contributeurs les plus extrémistes. Il est pourtant simple à comprendre qu’offrir une place pour l’expression libre, est une aubaine, alors que la parole semble de plus en plus confisquée par les médias officiels et les milieux souvent appelés « autorisés ». Les rédactions s’attendent donc à voir un phénomène s’amplifier et les contestations prendre une tout autre ampleur dans les années à venir.
Mais l’effet contraire existe également. C’est un constat optimiste et les rédactions des médias en ligne observent également une quantité de contributions, bien supérieure en nombre que les propos négatifs et des participations bien souvent de qualité. C’est une chance pour les journalistes de mesurer l’impact de leurs articles, quasiment en temps réel, et une opportunité pour les lecteurs d’apporter un autre regard ou un autre point de vue. Les lecteurs expriment désormais librement leurs opinions, le plus souvent sans censure ni modération. A ce propos, le journal allemand Die Zeit insiste : «  Sous chaque article, il y a au moins un lecteur qui posera la bonne question ou le point que l’article ne traite pas alors qu’il aurait dû ».
Il reste néanmoins à pouvoir valoriser les propos pertinents. Or, dans une production d’une centaine de commentaires, comment mettre en exergue un propos novateur ? L’étude du WAN IFRA recense plusieurs pistes déjà testées un peu partout dans le monde.
Un grand bruit inconsistant
La méthode de travail des journalistes, c’est l’angle d’un sujet. Ainsi une actualité peut être traitée sous différents angles selon la propre perception du journaliste ou selon la ligne éditoriale. Si le journaliste traite ce même sujet sous différents angles, alors les commentaires seront disparates, voire portant sur d’autres sujets en rapport avec l’actualité. Un grand bruit inconsistant s’amalgame et les commentaires perdent de leur pertinence. Il existe cependant la possibilité de pouvoir « voter » pour les commentaires les plus pertinents et qui « remonteront en première lecture. Egalement pourquoi ne pas solliciter directement les lecteurs en leur posant une question directe ouverte en fin d’article ?
Manager les conversations
«La règle est simple, dès qu'on participe, la qualité de la conversation monte en flèche» (O Globo - Brésil). «Les conversations les plus pertinentes sont celles auxquelles nous participons. Nous essayons donc de le faire aussi souvent que possible» souligne également le journal autrichien Der Standard. Les conversations sont davantage orientées vers la construction d’une réflexion et les contributeurs revendicatifs sont moins enclins à proposer du contenu négatif. De plus les lecteurs sont valorisés par des discussions avec les journalistes qu’ils préfèrent. Cependant ces derniers ont souvent moins de temps et n’acceptent pas nécessairement la contradiction.
Des couches préhistoriques
Les commentaires s’empilent allègrement, parfois dépassant le millier ! Comment faire le tri ? Car cela dissuade les bons auteurs de continuer à produire leurs avis. Les rédactions hésitent encore à supprimer les commentaires les plus quelconques ou sans réel intérêt car cela crée systématiquement de la défiance chez le contributeur. Celui-ci s’estime censuré et ne reviendra sans doute jamais dans l’espace de commentaires. Or la quotidien en ligne a besoin de conserver ses lecteurs et il convient de jouer sur l’ego de chacun. Les contributeurs souhaitent être reconnus, lus et si possible remarqué par la rédaction.
Le Wall Street journal estime, en guise de conclusion, que « les lecteurs débordent d'énergie et ont l'œil pour distinguer les forces et faiblesses des contenus qu'on leur propose. Cela fait de nous de meilleurs journalistes et nos Rédactions sont bien plus ancrées dans le monde d'aujourd'hui.». Sans nul doute que les commentaires seront de plus en plus nombreux et apporteront la parole citoyenne tant espérée.