Tragi-comédie politique, petites phrases, vraies et
fausses révélations, la communication est en passe de devenir une tarte à
la crème des politiques et des entreprises. Il serait temps de se
reprendre en main pour ne pas céder aux marchands d'internet et autres
réseaux sociaux vides et creux.
Les
déclarations récentes de Vincent Peillon sur le cannabis et la tragi-comédie
qui en a découlé, le psychodrame de la bataille entre Fillon et Copé, la
violente déclaration de Manuel Valls sur les origines de l’insécurité et de la
croissance du terrorisme en France, rappellent combien la communication
politique est un art subtil, fait de finesses et de nuances, mais de ruses aussi.
Ceux qui ont le sentiment d’avoir gagné la parole en ayant gagné leur siège à
l’Assemblée et un ticket d’entrée illimité sur les plateaux de télévision et
les colonnes des médias, les tribuns parlementaires, ne sont pas nécessairement
les plus habiles. Les plus préparés, s’il y en a, pêchent par fausse naïveté,
impulsivité. Le moindre écart des «éléments de langage» soigneusement dictés
par les communicants de l’Elysée conduit au bord du précipice.
L’amateurisme de la communication
Les bons
mots succèdent aux néologismes pour le régal des bêtisiers, des zappings, du
grand et du petit journal. On dissèque, on analyse, on commente des propos qui
ne sont, tout compte fait, que des bourdes de potaches trahissant un
amateurisme des médias assez consternant. On est au spectacle, les ventes de
marinières explosent, les images de prises de bec dans l’hémicycle comme les
combats de coqs donnent du grain à moudre aux rédactions, aux Guignols de l’info,
aux caricaturistes de Charlie Hebdo et aux bons mots du Canard enchainé. Les
bons points et les images de la maternelle succèdent aux secs rappels à l'ordre.
On se moque volontiers de celui qui, pendant quelques secondes, a oublié sa
condition d'homme public et la responsabilité qui est la sienne. A chaque
gouvernement ses ego, ses francs-tireurs et ses conceptions solitaires du
pouvoir que l’on sait partager ou non. On glose, on interprète, on oscille
entre jubilation et désespoir au café du commerce alimentant une nouvelle fois l’antiparlementarisme,
la haine du puissant, de la grosses entreprise, des banques : on aime à
détester tout ce qui brille, reluit, fait envie dans un fatras assez glauque où
seuls les humoristes parviennent à se retrouver. On critique, calomnie,
injurie, pour le plus grand bonheur des médias alternatifs, pour les community
manager ignares, pour les veilleurs du web ne veillant que leurs propres
nombrils. On pense occuper le terrain par des déclarations toutes plus provocantes
les unes que les autres : effets d’annonces, petites phrases, bonnes blagues.
On détourne la justice, on pille les minutes dans les cabinets d’instruction,
on diffuse des pièces confidentiels sans aucun respect des victimes, des présumés
innocents, individus ou entreprises. A qui la faute ? Aux communicants ?
Aux politiques ? Aux journalistes ? Aux Français ? Tous coupables,
tous responsables et au final tous complices d'une communication réduite à une
succession de saynètes dérisoires et pitoyables.
Communication politique où es-tu ?
Il y a des
sujets bien plus importants que la communication, certes, et il y a toujours
des exceptions à la règle. Il faut d'autant plus l'admettre que la
communication politique est par essence une matière à déception. Aujourd'hui,
en mélangeant informations, promesses, ballons d'essais, émotions et
engagements, elle clive, elle se dénature, elle appelle aux commentaires de
forme et non aux analyses de fond. La communication semble formatée pour faire
gagner des places dans les indices de popularité. Elle devient médiocratie
(médiocre-média-démocratie). Elle nivelle par le bas puisqu’il n’y a pas plus d’homme
d’état, des hommes d’en haut. Mais dans le contexte actuel, où chaque mot d’élus
compte et engage la parole de la République, où le moindre fait divers revêt
les oripeaux d'une affaire d'Etat, elle doit se réinventer.
Pour un
gouvernement qui doit affronter une crise sociale et économique d'une rare
violence, la communication politique a désormais atteint un point de non
retour. Seul un retour à des fondamentaux fondés sur des valeurs pérennes peut
sauver le discours plaqué et abscons de nos représentants, soit elle continue à
osciller entre transparence supposée et information téléguidée, et elle
apportera son lot de désillusions et de raccourcis.
Pour des
entreprises qui connaissent le dénigrement et des attaques de réputation, la
communication doit résolument s’engager en pro-activité. Soit elle se régénère
avec des bases solides d’anticipation et de connaissances des enjeux
médiatiques et elle permet ainsi de redonner des lettres de noblesse aux
valeurs fondamentales de l’activité
économique, soit elle périclite et disparaît derrière le marketing basique des
yaourts et des couches-culottes.
Il convient
de casser les codes et d’encourager ceux qui poursuivent une exigence de vérité
et de rigueur. Oublions la compétition made in Twitter, le nombre de FW, d’amis
ou d’abonnements, de médecine illusoire 2.0 ou de solidarité 3.0. Imaginons des
cénacles et des formats neufs et modernes, compatibles avec les exigences de «
l'infotainment ». Réinventons les relations presse autour d’exercices moins
calibrés et plus interactifs. Raréfions certaines prises de parole. La
surcommunication a broyé l'information, mais la créativité et l'audace n'ont
jamais tué. Les moutons, eux, survivent rarement longtemps loin du berger.
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