Rien ne justifie l’hyper médiatisation de la libération Florence
Cassez. Surtout que ce vacarme n’apporte aucune réponse à sa
culpabilité. Mais tout ce bruit permet de ne pas réfléchir à l’essentiel.
Difficile d’y échapper. Difficile de ne pas
entendre un bruit ou de ne pas voir une image. Image prétexte qui permet de
bien oublier nos préoccupations quotidiennes, le chômage endémique et le racket
fiscal organisé. A grand renfort de plateaux, d’interviews toutes plus
révélatrices promettant à chaque fois un bon scoop et n’accouchant en fait de
rien, - à part l’ennui -, nos médias ont largement ratissé l’événement jusqu’à
l’épuisement. Florence Cassez a été libérée. Pour autant est-elle
innocente ? La réponse est sans ambigüité affirmative dans nos médias sans
trop d’ailleurs sur quoi ils se fondent.
Rien donc, sur cette interrogation. Rien sur la
justice mexicaine (trop loin, trop compliquée, et puis le Mexique, hein, des
barbares, n’est-ce pas ?, des mangeurs de tacos et des trafiquants de
drogue : les stéréotypes ont bon dos…). Rien sur l’étonnante forme de
Florence Cassez après toutes ces années de prisons. Le même hâle qu’Ingrid
Betencourt. A croire que l’air de la jungle colombienne ou de Mexico City sont
bon pour le teint. C’est vrai que nos commentateurs toujours aussi avisés n’ont
pas sombré ni dans la finesse ni dans l’esprit critique.
La société du spectacle
La société du spectacle est passée par là. Bien
loin des quotidiens mexicains, même à l’exact opposé, les médias français se
sont vautrés dans une gabegie d’images et de pseudo-révélations. De l’autre
côté de l’Atlantique, les journaux mexicains sont beaucoup plus prudents. Au
moins, ils présentent un avantage : ils posent des questions. En
France : rien. Il est vrai que nous aimons les perdants, les condamnés,
les loosers… Bientôt Armstrong
deviendra sympathique. Frachon est une sainte. Betancourt une icône tout comme
Ségolène Royal. Cassez transformée en Jeanne d’Arc en oubliant que sa fin est
moins glorieuse. Les condamnés deviennent sympathiques dans notre société de
l’illusion. On en fait des émissions, des contre investigations. Les mêmes
condamnés écrivent leurs mémoires et passent au deuxième tour sur les plateaux
de télévisions pour leur promotion. Le buché des vanités n’est pas loin.
Nous aimons les jolies histoires. Ce que les
communicants appellent le storytelling.
Florence Cassez deviendra dans les prochains jours, une véritable victime sans
que personne dans les rédactions, ni dans la rue, n’en sache rien, ni n’en
comprenne rien. Nous oublierons vite qu’elle est complice d’enlèvement. Qu’elle
est libérée pour vice de procédure. Mais parce que les médias en feront des
tonnes sur cette libération, alors, oui, vraiment, Florence Cassez était innocente.
Tribunal médiatique, tribunal populaire, voire populiste. L’ignorance crasse entendue
et reprise par les rédactions de la rive gauche.
Récupération politique
Et puis, comme si cela ne suffisait pas, il faut
bien que la politique s’en mêle. Opération récupération. Hollande, Fabius,
statufié lors de la déclaration de Cassez, Roméro, telle une girouette rose
pâle… Et puis pour ajouter un peu de pathos, la « bibiche » à François. Citons Le Figaro : « elle
s’est rendue au domicile parisien de Charlotte
Cassez pour suivre le délibéré de la Cour. “Elle a toujours été très présente
quand on avait besoin d’elle”, témoigne Jean-Luc Roméro, président du comité de
soutien. Pendant son incarcération, la première dame a envoyé des colis à la
Française contenant des chocolats, des livres et de la gouache pour
peindre. » Une petite larme ? Il se dit qu’après une nuit au Crillon,
(quand même), elle aurait rencontré Sarkozy en toute discrétion. Tout e monde
veut sa part du gâteau de la reconnaissance. Dans le brouhaha médiatique, seule
Europe 1 prend ses distances par la voix de Natacha Polony. Mais la dépouille
de Yann Desjeux, le français assassiné en Algérie par des terroristes, est
arrivée en toute discrétion en France, sans aucun média pour en parler…
Par chance la presse mexicaine nous
rappelle quelques vérités. La « libération » de Florence Cassez tombe
à point nommé. El Universal
souligne que les Français ne pensent plus au Mali, au chômage explosif et aux
milliers de salariés de chez Renault mis au tapis. Mais la majorité
des rédactions s’insurgent contre cette libération qui
oublie juste les victimes… D’ailleurs, les journalistes mexicains ont du lire
avec le sourire aux lèvres, le récent sondage d’IPSOS pour Le Monde : les
Français jugent, pour 74 % d’entre eux, que les journalistes sont « coupés
des réalités et ne parlent pas des vrais problèmes des Français ».
Ils ne parlent pas des 2216 français qui sont détenus dans des prisons, ni des
trois condamnés à mort, ni des otages retenus en Afrique et dont l’espérance de
vie semble se réduire de jour en jour...
Il se pose alors un problème majeur. Quel doit
être le travail des rédactions, des journalistes ? C’est vrai que c’est
souvent compliqué de gérer l’urgence et l’investigation, le politiquement
correct et l’envie de faire éclater quelques vérités. Et malgré les chartes de
bonne conduite, malgré les déclarations la main sur le cœur, les journalistes
ou les petits soldats du journalisme (j’adore ce titre de Guillaume Ruffin), se
vautrent assez souvent dans le suivisme et la consanguinité journalistique.
Toutes nos grandes affaires n’échappent pas à cette règle : les rédactions
ont un parti pris et n’en démordent pas, quitte à se faire condamner pour
violation de la présomption d’innocence, l’insulte. Comme si le journalisme,
pour exister, devait avoir les pieds dans le prétoire.
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