Confrontée à des crises à répétitions (PIP, Mediator), l’industrie pharmaceutique est
contrainte de revoir ses méthodes marketing et sa manière de communiquer.
Le LEEM vient de lancer une campagne
d’information et de sensibilisation (également présente sur Facebook), histoire de
faire un peu oublier les différents scandales à répétition dont l’affaire du
Mediator n’est que le dernier avatar. Comme le souligne Christian
Lajoux, président du LEEM (les entreprises du médicament) et par ailleurs
président de Sanofi-Aventis France : « L’affaire du Mediator est une véritable déflagration dans le secteur.
Elle remet en question la crédibilité de l’ensemble de la chaîne du système de
santé : les laboratoires, mais aussi les organismes d’évaluation, les
experts et les professionnels de la santé ». C’est donc bien toute la chaine de
production, analyse, évaluation, prescription, vente du médicament qui serait
responsable du désastre.
Les laboratoires sont en première ligne sur ce
dossier et la défiance à leur encontre est grandissante. Nous avions déjà
évoqué précédemment, la manne financière de l’industrie pharmaceutique malgré
les affaires à répétition qui n’ont fait qu’augmenter la défiance : Vioxx,
gestion de la grippe H1N1, Avandia, hormone de croissance, sans que les
autorités ne bougent véritablement… Sans oublier l’intense lobbying, ou plus
pudiquement relations institutionnelles ou publiques, dont les industries du
médicament font preuve. On estime entre 200.000 à 800.000€ chaque année les
dépenses consacrées aux actions de pressions sur les normes institutionnelles selon
une enquête de la Tribune
du 4 février dernier. Il apparaît ainsi évident que la maîtrise des rouages
décisionnels est d’une importance capitale dans ce secteur.
Pourtant les acteurs de ce marché hyper rentable
ont du mal à faire leur propre auto-analyse. Il est vrai que les laboratoires
se sont bien davantage intéressés à leurs actionnaires qu’à leurs patients.
En France, le patient ne choisit pas son médicament
(c’est le médecin qui prescrit) et ne le paye pas ou seulement en partie
(Sécurité sociale et mutuelle réunies). Comment expliquer dès lors faire des
bénéfices pour un laboratoire, alors que la question ne se pose pas pour un
médecin ou un pharmacien. Quand on sait que lorsqu’un princeps (médicament
original) est concurrencé par sa version générique, le chiffre d’affaires du
médicament baisse de 75%. Les laboratoires ont donc tout intérêt à développer
en permanence de nouvelles molécules et mettre sur le marché de nouveaux
médicaments en « marque déposée ».
Les laboratoires pâtissent de plus d’une image
corporate détestable. Aucune communication n’a jamais été réellement réalisée à
destination du grand public mais bien plutôt vers les milieux financiers leur
garantissant une santé et une stabilité prospère. Les fusions en chaine se sont
multipliés (Sanofi-Aventis et le rachat de Genzyme par exemple) au détriment
des parties prenantes, des salariés et des patients. Lily France et l’un de ses
cadres ont
plagié une publicité d’Orangina interdite en France. « Tu vas prescrire ! tu vas
prescrire ! » dit une femme panthère à un médecin apeuré. Limites
de l’exercice, car il faut vendre à tout prix et ne pas laisser des parts de
marché à des concurrents de plus en plus agressifs.
Les laboratoires n’ont pas vraiment la culture de
la communication grand public. A part la
semaine du médicament et la dernière campagne du LEEM déjà citée, rien ou
si peu. Les laboratoires ont surtout une culture commerciale avec leur armée de
visiteurs médicaux qui ont en face d’eux des médecins ou des pharmaciens ou des
responsables de service bien plus diplômés et bien mieux payés qu’eux. Les
budgets consacrés à la visite médicale en témoignent : chacun des 20000
visiteurs médicaux coute en moyenne 110.000€ par an. Avec un retour sur
investissement beaucoup plus facile à quantifier qu’une campagne grand public.
Le marketing de masse est donc privilégié et a contribué à développer une
mauvaise image des laboratoires. Alors que le patient entretient un lien
personnalisé, voire affectif avec son médecin…
La défiance constante des patients vis-à-vis des
médicaments inquiète nécessairement le milieu des laboratoires. Le 1er
février dernier, l’AFSSAPS
ont diffusé une liste de 77 médicaments sous surveillance renforcée,
accentuant ainsi le malaise. Communiquer sur des produits étant interdit en
France, les laboratoires sont donc obligés de développer des campagnes
d’information sur certaines pathologies (Sanofi et le diabète) ou l’exposition
à la Villette sur les vaccins (Epidemik).
Enfin, le développement de l’éducation
thérapeutique du patient, permettant de gérer au mieux sa propre maladie, est
aussi une occasion pour les laboratoires d’investir un nouveau champ de
communication, comme le site internet Diabète et ados du
laboratoire Roche. Les labos se doivent ainsi d’investir le web, la santé étant
le premier sujet recherché sur le Net, comme en témoigne le succès du site Doctissimo au grand malheur parfois des
médecins qui y voient un concurrent « gratuit ». Ici comme ailleurs,
les laboratoires ne peuvent communiquer sur leurs produits. Ils essaient
néanmoins de développer des échanges avec les patients via des blogs comme Polyarthrite 2.0 (Roche et
Chugai) et Ma santé en main (GSK) ou via
les communautés de patients comme le réseau social Carenity.com. Tous les vecteurs de
communication sont donc progressivement investis afin de toucher directement le
patient.
« L’industrie
pharmaceutique est trop longtemps restée au stade de la réclame. Elle doit
désormais privilégier le contenu et se présenter en expert de la
médico-économie » souligne Christian Lajoux, le patron du LEEM et de
Sanofi-Aventis…
Sources :
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