Ou comment une
journaliste veut faire pleurer dans les chaumières en colportant des
informations fausses et approximatives à propos du Mediator !
Chère consœur,
Votre article paru dans le
Progrès de Saint-Etienne le 18 novembre dernier a retenu toute mon
attention. En tant que journaliste moi-même, je suis toujours heureux de lire
des articles construits, avec un début et une fin. J’ignore quelle est votre
ancienneté dans le métier mais je suis, hélas !, consterné par votre
article intitulé : « Témoignage.
« À cause du Mediator, j’ai les poumons abîmés à 50 %» qui
traduit, à lui seul, la faillite du journalisme de proximité. En voulant faire
du pathos, en mettant en scène cette pauvre dame qui n’a sans doute rien
demandé et qui garde bien entendu l’anonymat, vous bernez vos lecteurs,
c’est-à-dire les 1450 internautes qui ont ouvert cette page, plus les quelques
centaines qui ont du avoir le Progrès entre les mains (guère plus, vu la
qualité du quotidien, à part la page sport peut-être grâce à l’Asse !). En
effet je suis stupéfait de lire une concaténation (si le mot est trop
compliqué, prendre un dictionnaire) de fausses informations, de rumeurs et
d’approximations. J’ignore ce qui vous a motivé pour écrire cet article. Il ne
fait pas honneur à notre profession. Il m’a suffit de quelques minutes pour
m’interroger sur le téléguidage des informations (pour qui écrivez-vous ?
les deux avocats cités ? Un autre laboratoire de la région ? Ou tout
simplement pour vendre du papier ?) et pour vérifier quelques
informations.
Morceaux choisis :
La dame malade :
« Je
consultais des spécialistes à Lyon. Et ils prenaient très chers pour prescrire
de l’Isoméride. Après, comme l’Isoméride était interdit, le généraliste m’a
prescrit du Mediator, en accord avec mon cardiologue. Pour le diabète, cette
fois-ci. » Evidemment
personne ne connaîtra le nom du généraliste, ni des spécialistes, si ils
existent. Par ailleurs, c’est bien le médecin qui a prescrit le Mediator, par
les laboratoires Servier. Vous auriez pu aller les rencontrer ?
« J’avais
les deux valves abîmées, ainsi que la plèvre du poumon. Je suis diminuée à
50 %. Je bataille pour respirer. J’aimais aller aux champignons, mais
c’est fini pour moi. Même pour monter un étage, je suis essoufflée. » Bien joué
le pathos. Chacun voit bien la pauvre femme souffler pour monter les escaliers.
Là, j’avoue que c’est bien, calibré M6 ou téléréalité.
« J’ai été
contacté par Nanterre, mais je préfère m’adresser à un avocat de ma région. En
espérant que ce ne soit pas trop long. L’argent ne fait cependant pas tout et
j’espère qu’à l’avenir les médicaments seront plus surveillés. »Toujours
la proximité, il faut que la rédaction du Progrès s‘adresse à ses lecteurs,
c’est vendeur… Et puis le coté, « je
me bats pour la santé publique », c’est beau. Mais pas très
convaincant. Faut bien se cacher derrière une bonne cause.
Les avocats :
« Certaines personnes
souhaitent l’indemnisation de leur préjudice, rien de plus. D’autres souhaitent
que les responsables soient condamnés ». Nous sommes bien d’accord. Chacun
supposera que ces avocats stéphanois iront porter le fer contre le ministère de
la santé et les différents responsables, et pas seulement contre les
laboratoires Servier. Le médecin traitant ? les spécialistes ? Rien de
moins sûr.
« En fonction des
conclusions de l’expert, si le lien de causalité entre le Mediator et le
préjudice, est avéré, la victime sera indemnisée, en fonction de son préjudice. »
Nous soulignons « si le lien de
causalité entre le Mediator et le préjudice est avéré ». Rien de moins
certain. Même le docteur Irène Frachon, notre nouvelle Jeanne d’Arc, qui doit
être bien coachée par des conseillers en communication, écrit an mai 2011 que trois décès
sont clairement dus à la prise du Mediator et deux autres cas sont suspects. Elle
écrit cela alors que le rapport de l’IGAS sur le Mediator est diffusé au mois
de janvier 2011, soit quatre mois plus tard. Y a un bug quelque part et bien entendu,
personne n’a relevé la contradiction.
Continuons désormais avec la rédaction de notre consœur.
« Sur le plan pénal,
une quarantaine de patients ont déposé plainte pour tromperie sur la qualité
substantielle du produit, mise en danger de la vie d’autrui, parfois pour
homicide ou blessures volontaires. » Certes mais alors nous sommes
très loin des 500 à 2000 morts annoncés ici et là dans tous les médias avec
force utilisation du conditionnel.
« Des études, qui précèdent
le retrait du médicament, montrent que des effets indésirables avaient été
relevés. Le laboratoire Servier avait-il connaissance de ces études, continuant
cependant à commercialiser le produit ? » Là encore le manque de
discernement –et sans doute de temps ou d’envie de bien faire de notre
journaliste- est flagrant. Effectivement l’autorisation de mise sur le marché
du Mediator est suspendue le 12 novembre 2009 puis retiré des pharmacies le 30
novembre de la même année. Mais alors comment expliquer que ces mêmes autorités
ont permis la mise sur le marché des deux génériques du Mediator (Mylan et
Qualimed) le 7 octobre 2009 ?
« L’agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a émis une
alerte rapide le 25 novembre 2009, informant de sa décision de suspendre
les autorisations de mise sur le marché de tous les médicaments contenant du
Benfluorex ». Il faut relire ! (cf.
paragraphe précédent. De plus je vous renvoie au calendrier
dressé par Anne Jouan dans le Figaro,
cela devrait vous aider pour les prochains articles.
« Destiné
aux diabétiques en surpoids, largement détourné comme coupe-faim, le Mediator a
été commercialisé en France de 1976 à novembre 2009, par les laboratoires
Servier. Il a été utilisé par cinq millions de patients avant d’être retiré du
marché. » C’est sans doute la seule information juste de cet article. Encore
faudrait-il savoir comment la nature initiale d’un médicament et son mode de prescription
se sont transformés ? Là, notre amie journaliste Laurence Perbey, ne nous
le dit pas, accentuant sciemment la confusion.
« Il a été relevé des
atteintes graves aux valves cardiaques et une hypertension artérielle
pulmonaire chez certains patients ayant pris du Médiator. » Vrai, mais
il faudrait apporter des preuves ou des témoignages de cardiologues.
Curieusement, ceux-ci se font étrangement silencieux. Contactée par nos soins,
la société de cardiologie, ne souhaite pas répondre. Le seul élément tangible,
c’est que depuis des années où les cardiologues opéraient, aucune anomalie
significative n’est remontée jusqu’aux autorités de santé. Alors que c’est l’un
des leviers de leur profession lorsqu’un cardiologue décèle une anomalie, il
s’empresse d’en faire une publication médicale, ce qui est bien compréhensible.
Par ailleurs, je vous renvoie aux enregistrements de la commission
d’information parlementaire cf. le site de l’Assemblée Nationale, pour écouter
quelques témoignages…) Là, rien. Étrange.
« Après
les États-Unis, la Suisse, l’Italie et l’Espagne interdisent le médicament dans
les années 90 ». Faux. Le Mediator a été retiré de ces pays parce que non
rentable.
« En
France aussi, les motifs d’inquiétude n’ont pas manqué. Au total, pas moins de sept
notifications seront envoyées aux autorités sanitaires avec, à chaque fois, les
mêmes effets secondaires : « Insuffisance mitrale » ou « insuffisance de valve
cardiaque ». Effectivement, cela reste un mystère, mais nous devrions avoir
confiance en notre justice, qui, n’en doutons pas, va tirer au clair tout cela.
Néanmoins, nous pourrions aussi nous interroger sur la prorogation du
remboursement du Mediator en 2006 par le ministre de la santé Xavier Bertrand…
(Cette information, chère consœur, était aussi disponible sur Internet…)
Voilà. Pour terminer, je ne puis m’empêcher de reproduire ici, et
tel quel, un commentaire (le seul, quelle audience !) paru à la suite de
cet article.
Anonyme :
« je
suis ecourée de voir les gens qui se plaignent du mediator ,moi je les pris
pendant 5 ans pour faire baisser mes triglycerides qui a donner de bon
resultat,mais le gens qui ont des problémes avec se médicament quils ont au
moins honnêter de dire pourquoi il l'ont pris pour(maigrir )surtout celle qui
ont que moins de 5 kilo a perdre??????arreter de nous
bassiner!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »
La charte des journalistes invite ceux-ci à ne pas se substituer
ni au juge, ni au policier. Chère consœur, il faudra la relire.
Bien à vous et meilleurs voeux
Sources :
Dommage de s'en prendre qu'à la journaliste sans prendre le temps de comprendre le pourquoi du comment.
RépondreSupprimerLe Progrès est tenu par le groupe Socpresse, celui-là même qui est dirigé par Serge Dassault, le marchand de mort et grand défenseur de l'oligarchie.
Vous vous attendiez à quoi au juste, venant de ce journal ? Pensez-vous que les journalistes ont la plume libre ? Un papier de ce genre n'est pas forcément synonyme de corruption, mais plutôt de résignation. Peut-on encore dire non aux consignes et aux angles aujourd'hui, vu la précarité de la profession ? Je crois que vous connaissez la réponse...
Alors, si en tant que journaliste il vous intéresse de vous prendre à la racine du problème et de faire tomber ces colosses aux pieds d'argile afin qu'ENFIN, les journalistes puissent être LIBRES.
Vous êtes, je crois, un de ceux que j'appellerai les "chercheurs de vérité", toujours prêt à jeter des pavés dans la mare, pour le bien de la démocratie, et pour la défense de la population.
Allez donc jeter un oeil sur mon blog, certaines analyses devraient vous interpeller ! Et contactez moi s'il vous sied de prendre part à un projet... révolutionnaire ?
Comme dirait l'autret : La liberté de presse, ou la mort !
Haha, oui, je suis plein d'espoir. L'atmosphère mondiale s'y prête, les esprits se réveillent. Accompagnons les.
Merci pour votre commentaire jmoadab mais vos informations sont inexactes. Le Progrès appartient au groupe L'Est Républicain rebaptisé EBRA racheté en 2006 à Serge Dassault propriétaire du groupe SocPresse.
RépondreSupprimerPar ailleurs je suis assez d'accord sur le fond avec votre commentaire.
Ah yes exact, j'ai lu un peu trop vite... !Des retours sur votre papier ?
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