Les affaires DSK, Cahuzac, Balkany, Longuet, Alliot-Marie, Woerth et autres
sont passées par là. La crédibilité des élus est désormais largement remise en
cause. L’homme
politique est, par nature, une contradiction en soi. Comment conjuguer sens des
responsabilités collectives et responsabilités locales ? Comment mélanger
pouvoir individuel et représentation nationale ?
L’histoire de
notre république est jonchée d’errements d’élus qui confondent parfois trop
facilement intérêt privé et intérêt publique. Pourtant chaque citoyen serait en
droit d’attendre de ses édiles, une exigence de comportement, une forme
d’exemplarité au-delà de ce qui est attendu pour le commun des mortels. Le fait
de conférer une responsabilité dans l’organisation de la cité, le pouvoir des
citoyens de confier une parcelle de pouvoir afin d’être représentés à tous les
niveaux de la vie publique, cette délégation ne devrait jamais être entachée par
le moindre incident, par le moindre doute. Cette exigence démocratique est
néanmoins assez régulièrement bafouée. Afin d’illustrer cette source de
défiance, il est intéressant de se pencher sur un exemple peu médiatisé, celui qui concerne
le député Gérard Bapt.
En effet, le député de Haute-Garonne illustre
bien le rôle complexe de l’élu, un responsable politique qui n’hésite pas à
proclamer qu’il convient « de
diminuer les allocations familiales » mais « qu’il faut épargner l’industrie pharmaceutique ». Enfin, pas
toute. Chacun connaît la pugnacité avec laquelle le député Bapt à ferrailler
contre les laboratoires Servier dans l’affaire du Mediator. Mais, en revanche,
rien contre les plans sociaux de Sanofi. Pourtant le député Bapt est probablement
l’un des meilleurs observateurs des questions de santé. Son parcours, ses
engagements successifs auprès de grands laboratoires comme GSK, en font un
expert reconnu. Pourtant il n’hésite pas largement à critiquer le rôle de
l’hôpital, de conspuer les dépenses d’un système hospitalier à bout de souffle,
à critiquer le règne des mandarins, lui-même pourtant médecin-cardiologue. Il
n’hésite pas non plus à promouvoir la baisse des allocations familiales pour sauver la sécurité sociale ! Il y a donc à
travers ses déclarations un paradoxe. N’y aurait-il pas derrière cette attitude
un conflit d’intérêt ? Ou alors un intérêt spécifique à défendre une cause
plus qu’aune autre ?
Heureusement
que quelques journalistes se sont penchés sur le parcours de Monsieur Bapt et
ses relations particulières avec l’industrie pharmaceutique. Ainsi, le 9
novembre 2012, un article paru dans Charlie
Hebdo, « Sanofi
et le «temps de cerveau disponible» des députés », article trop vite passé
très vite sous silence, révèle la teneur des relations entre le directoire de
Sanofi et le député Bapt. Citons son auteur, Laurent Léger, journaliste :
« À l’aide d’un intense lobbying
auprès d’élus comme le député PS Gérard Bapt, le labo pharmaceutique
(ndlr : Sanofi) tente d’amortir le choc de son plan social, sans se priver
d’un petit chantage : moins de licenciements contre médicaments que l’État
ferait bien de rembourser… Un mail
interne à Sanofi détaille ainsi le contenu des discussions entre un cadre du
groupe, Jean-Luc Ledent, directeur des affaires publiques de Sanofi
Midi-Pyrénées, avec le député socialiste de Haute-Garonne, Gérard Bapt. Très
actif contre le Mediator et son fabricant, Servier, grâce à la mission
d’information de l’Assemblée qu’il a présidée, Bapt l’est beaucoup moins contre
cette firme ultra rentable qui s’apprête à licencier des centaines, voire des
milliers de salariés, notamment à Toulouse, son département. » Au
grand regret des syndicats qui trouve que le député Bapt n’est pas très présent
sur le front de défense des emplois dans son département…
Chacun
pourrait donc s’interroger sur ce qui anime la lutte d’un député défendant une
grande industrie pharmaceutique et pas ses salariés ? Ne sont-ils pas élus
par une circonscription ? Pourtant, nos députés sont toujours très fiers
de s’exposer dans des situations de proximité. Beaucoup exhibent leurs photos
sur Facebook pour l’inauguration de la foire à l’andouille… beaucoup revendique
un dialogue constant avec les habitants de leur ville ou de leur région.
La
moralisation de la vie politique passe donc sur des opérations de grand ménage
et il est certain, comme le soulignait le
quotidien La Croix, que des professions comme médecins
ou avocats présentent des risques de « collusion » avec des secteurs
industriels. Malgré le rapport Sauvé de 2011 (voir l’article de Slate),
il semblerait que rien n’est véritablement changé aujourd’hui. Sans doute
l’attrait du pouvoir, les privilèges que confère la République ont-ils raison
de la raison... Quant au député Bapt, on attend toujours ses réactions sur les
différents scandales sanitaires dont les dernières secousses s’appellent les anticoagulants
Eliquis
(Bristol-Myers Squibb et Pfizer), Pradaxa (Boehringer Ingelheim) et Xarelto
(Bayer Santé). Sanofi n’est pas concerné. Le député Bapt peut dormir tranquille…
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