Depuis l’ouverture d’espaces de discussions dans les médias en
ligne, le pire côtoie le meilleur. Propos racistes, injurieux, homophobes, sexistes,
vulgaires, noyés parmi des contributions intelligentes, des prises de position
éminemment respectables, pertinentes. C’est ce que révèle une étude
passionnante de l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias
d’information (WAN IFRA). Plus d’une
centaine d’éditeurs de journaux dans 60 pays sur les 5 continents ont été
interrogés sur les pratiques du Web participatif.
Plusieurs observations sont à retenir
de cette étude innovante. Tout d’abord les éditeurs de médias s’accordent pour,
d’une seule voix, déplorer qu’il convient de modérer les contributeurs les plus
extrémistes. Il est pourtant simple à comprendre qu’offrir une place pour l’expression
libre, est une aubaine, alors que la parole semble de plus en plus confisquée
par les médias officiels et les milieux souvent appelés « autorisés ».
Les rédactions s’attendent donc à voir un phénomène s’amplifier et les
contestations prendre une tout autre ampleur dans les années à venir.
Mais l’effet contraire existe
également. C’est un constat optimiste et les rédactions des médias en ligne
observent également une quantité de contributions, bien supérieure en nombre
que les propos négatifs et des participations bien souvent de qualité. C’est
une chance pour les journalistes de mesurer l’impact de leurs articles,
quasiment en temps réel, et une opportunité pour les lecteurs d’apporter un
autre regard ou un autre point de vue. Les lecteurs expriment désormais
librement leurs opinions, le plus souvent sans censure ni modération. A ce
propos, le journal allemand Die Zeit
insiste : « Sous chaque
article, il y a au moins un lecteur qui posera la bonne question ou le point
que l’article ne traite pas alors qu’il aurait dû ».
Il reste néanmoins à pouvoir valoriser
les propos pertinents. Or, dans une production d’une centaine de commentaires, comment
mettre en exergue un propos novateur ? L’étude du WAN IFRA recense
plusieurs pistes déjà testées un peu partout dans le monde.
Un
grand bruit inconsistant
La méthode de travail des
journalistes, c’est l’angle d’un sujet. Ainsi une actualité peut être traitée
sous différents angles selon la propre perception du journaliste ou selon la
ligne éditoriale. Si le journaliste traite ce même sujet sous différents
angles, alors les commentaires seront disparates, voire portant sur d’autres
sujets en rapport avec l’actualité. Un grand bruit inconsistant s’amalgame et
les commentaires perdent de leur pertinence. Il existe cependant la possibilité
de pouvoir « voter » pour les commentaires les plus pertinents et qui
« remonteront en première lecture. Egalement pourquoi ne pas solliciter
directement les lecteurs en leur posant une question directe ouverte en fin d’article ?
Manager les conversations
«La règle est simple, dès qu'on participe, la qualité
de la conversation monte en flèche» (O Globo - Brésil). «Les conversations les
plus pertinentes sont celles auxquelles nous participons. Nous essayons donc de
le faire aussi souvent que possible» souligne également le journal
autrichien Der Standard. Les conversations sont davantage orientées vers
la construction d’une réflexion et les contributeurs revendicatifs sont moins
enclins à proposer du contenu négatif. De plus les lecteurs sont valorisés par
des discussions avec les journalistes qu’ils préfèrent. Cependant ces derniers
ont souvent moins de temps et n’acceptent pas nécessairement la contradiction.
Des couches préhistoriques
Les commentaires
s’empilent allègrement, parfois dépassant le millier ! Comment faire le
tri ? Car cela dissuade les bons auteurs de continuer à produire leurs
avis. Les rédactions hésitent encore à supprimer les commentaires les plus
quelconques ou sans réel intérêt car cela crée systématiquement de la défiance
chez le contributeur. Celui-ci s’estime censuré et ne reviendra sans doute
jamais dans l’espace de commentaires. Or la quotidien en ligne a besoin de
conserver ses lecteurs et il convient de jouer sur l’ego de chacun. Les
contributeurs souhaitent être reconnus, lus et si possible remarqué par la
rédaction.
Le Wall Street journal estime, en guise de
conclusion, que « les lecteurs débordent d'énergie et ont l'œil pour distinguer les forces et
faiblesses des contenus qu'on leur propose. Cela fait de nous de meilleurs
journalistes et nos Rédactions sont bien plus ancrées dans le monde
d'aujourd'hui.». Sans nul doute que les commentaires seront de
plus en plus nombreux et apporteront la parole citoyenne tant espérée.