Il semblerait qu'il existe depuis de nombreuses années un profond malaise dans notre profession de journalistes. A lire les essais des uns et des autres, et pas des moindres, (Joffrin, Plenel), à constater l'invention d'une nouvelle forme de journalisme (Slate, Agora, Mediapart), le modèle traditionnel de l'information semble en péril. La collusion trop souvent dénoncée entre propriétaires de médias et rédactions fait cependant long feu. Ainsi il faut lire l'entretien accordé à Libération de Jean Quatremer, journaliste à... Libération, qui publie d'ailleurs un livre "Sexe, mensonges et médias" (Plon).
Retenons la jolie expression "d'escroquerie journalistique". Il semble que nos quotidiens en soient remplis. Présenter des informations à charge alors que rien ne le justifie et ne l'étaie, multiplier les bidonnages pour faire de l'audience, retoucher des photos pour faire plus net, résumer à l'excès des déclarations, sortir une phrase de son contexte, autant de pratiques délictueuses présentes depuis de nombreuses années, depuis en fait l’émergence d'une presse qui a perdu ses opinions.
Car il me paraît évident que, tant que les journalistes n'auront pas retrouvé le sens profond de leur métier, c'est-à-dire l'investigation au service d'une objectivité rationnelle, les dérives et les déviances journalistiques se multiplieront. Très curieusement d'ailleurs, on parle peu des "ménages" que réalisent mes confrères en se transformant en conseiller en communication. Ici c'est pour un leader de l'agro-alimentaire, là pour un laboratoire pharmaceutique ou encore un constructeur automobile. Les journalistes perdent leur âme à trop vouloir exister en dehors de leur rédaction.
Seule une profonde révolution culturelle du métier de journaliste pourra limiter, comme dans les pays anglo-saxons, le pouvoir des propriétaires de l'information. A moins que ces derniers ne fassent plus que cela, comme Murdoch. Difficile en effet de vendre des armes ou des technologies et posséder des quotidiens car le conflit d'intérêt est toujours présent. Aux journalistes de choisir leur camp...
Vous avez tout à fait raison et je vous félicite pour votre billet.
RépondreSupprimerUne histoire me vient à l'esprit : tout le monde savait que les méthodes Servier étaient peu orthodoxes, que les médicaments du groupe, pourtant médiocres, étaient paradoxalement bien remboursés. Les journalistes étaient régulièrement avertis par les lanceurs d'alertes.
Mais il a fallu l'affaire du Médiator pour qu'ils se réveillent enfin, et d'ailleurs sur-réagissent parfois à la mesure de leur passivité.
Je ne suis pas Quatremer, mais en 2004, j'écrivais sur mon site que le Mediator était une amphétamine inexplicablement laissée sur le marché.